LA TRANSITION SOCIO-ÉCOLOGIQUE
Fondements . Enjeux . Réflexions
En proposant ce texte sur la transition socio-écologique, VIRAGE ne prétend pas forcer une définition stricte, universelle et consensuelle de la transition. Il s’agit plutôt de notre vision qui, éclairée par une multitude d’autres définitions et par une multitude d’initiatives dans le monde, inspire notre cœur, donne de la force à nos mains et influence notre tête pour s’investir dans ce si grand petit festival!
Un concentré de ces sources d’inspirations se trouve à la fin de cet article. Nous vous proposons 7 textes en français et en anglais permettant de déplier certaines idées évoquées dans ce texte.
L’idée de transition fût initialement introduite en 1972 par le Club de Rome dans son rapport intitulé « Halte à la croissance » (Meadows et coll., 1972). Les transitions désignaient alors les différents scénarios d’adaptation que nos sociétés pouvaient emprunter afin d’éviter les impacts négatifs induits par le mythe de la « croissance infinie dans un monde fini. »
En continuité avec cette idée de départ, la transition constitue aujourd’hui un vaste laboratoire de pratiques positives visant à développer des modes de vie plus résilients tout en anticipant les inévitables problèmes socio-écologiques qui naissent dans l’Anthropocène.
Le terme Anthropocène est proposé par l’Union Internationale des Sciences Géologiques (UIGS)[1] pour désigner la nouvelle Ère géohistorique dans laquelle l’humanité est entrée. L’Anthropocène succède à l’Holocène (les 20 000 dernières années) et pour justifier ce passage, les géologues témoignent de la présence d’une nouvelle strate géologique identifiable sur l’ensemble de la planète. Produites massivement par la civilisation industrielle, ces traces matérielles (comme le plastique, le béton, l’aluminium, ou la présence de radionucléides artificiels) se sont déposées au fil des 200 dernières années et témoignent d’une grande accélération de l’empreinte humaine sur l’écosphère.
L’Anthropocène est également caractérisé par des problèmes écologiques et sociaux se cristallisant autour de macro-problèmes socio-écologiques se renforçant les uns et les autres : crise alimentaire, crise économique et politique, crise climatique. Cette situation entraine l’humanité dans une zone d’incertitude où plusieurs limites, qu’elles soient climatiques, sociales, démographiques, écologiques, ou économiques sont atteintes ou en voie de l’être. Ainsi, l’humanité est devenue, avec ses connaissances, ses outils, son agriculture, son industrialisation et son économie une force produisant des transformations majeures dans l’écosphère, au même titre que les grands cycles biogéophysiques.
La transition c’est donc comprendre et accepter que notre modèle de développement socio-écologique arrive en bout de course, qu’il a atteint ses apories. Face à ce constat, l’idée générale de la transition c’est de bifurquer et d’essayer, ici et maintenant, de nouvelles manières de faire. Comme les résultats de ces changements sont incertains, c’est pourquoi nous parlons de transition : c’est un moment d’essais et d’erreurs inspirant·e·s pour la suite du monde.
La transition apparait à la fois comme un discours socio-écologique et un ensemble de pratiques visant de nouvelles façons d’habiter la Terre, de manière plus résiliente, conviviale et bienveillante. Ce mouvement planétaire est à la source de milliers d’initiatives citoyennes auto-organisées (Hopkins 2010). Citons en exemples les réseaux d’agriculture urbaine et les forêts nourricières, les circuits alimentaires courts, biologiques et locaux, la permaculture, les milieux de vie en en transition, l’économie circulaire, la décroissance, les systèmes d’échange locaux, les monnaies alternatives, les communs, la mobilité et la production énergétique post-carbone, la construction écologique, les chaires de recherches sur la transition ou l’analyse de cycle de vie, la démocratie dialogique et le municipalisme participatif, l’éco-conception, les approches psychosociales de l’effondrement. Il y en a à foison, partout dans le monde.
La transition, c’est aussi un champ de recherche multidisciplinaire. Les chercheur·e·s qui participent à l’émergence de ce champ de recherche sont principalement basées en Hollande, en Belgique, en France, en Angleterre et ici au Québec. Illes travaillent à partir de disciplines multiples : sociologie, anthropologie, génie, gestion, physique, biologie, écologie, éthique, architecture, agriculture et globalement, cherchent à comprendre :
En plus des initiatives et de la recherche, une approche de gestion, inspirée par les résultats et les hypothèses de recherches, a été développée afin de piloter la transition. Finalement, s’attarder à comprendre les écueils de notre civilisation et constater les immenses embuches à la co-construction de nouveaux modes de vie, entraine son lot de oh shit moments! Dans une approche psychosociale du changement, il faut prendre soin de notre vie affective et éco-psychologique (oui oui!). Tel qu’illustré dans le schéma suivant, cette approche vise à augmenter la résilience individuelle et collective et à accompagner les inévitables deuils qui s’imposent dans un système en effondrement.
Schéma 1 : La courbe du deuil. Illustration réalisée par Matthieu van Niel.
Dans ce contexte, réfléchir collectivement au sens de nos actions, même les plus banales semble une riche idée. Si l’objectif global du festival VIRAGE est de participer à la création d’une société post-capitaliste, le but particulier est de créer des liens, de construire des connexions et de participer à tisser le canevas de la reliance. Il s’agit de connecter la tête, les mains et le cœur, individuellement et collectivement pour inspirer nos actions et leur donner du sens.
Il s’agit de comprendre notre monde par ses dimensions conceptuelles et intellectuelles. En s’exerçant à chercher, à analyser et à s’interinfluencer, il devient possible de polliniser nos imaginaires et de faire naitre de nouvelles idées.
Les mains impliquent la mobilisation et la transmission de savoirs-faire, de savoirs-être et de savoirs-connaître dans une volonté d’apprentissage collectif. L’idée, c’est de (ré)apprendre comment faire les choses, mais aussi à les déconstruire et à réparer le matériel autant que l’immatériel.
Faire confiance en ce (re)liant à soi, aux autres, à la nature et célébrer notre co-dépendance à cette inestimable communauté de destin planétaire. Ressentir autrement les relations entre les humains et les non humains. Et tant qu’à explorer de nouvelles narrations du monde et co-construire d’audacieuses éthiques post-capitalistes, autant le faire dans le dialogue et la diversité des points de vue.
[1] Pour consuler le site de l’UIGS: www.iugs.org/
Audet, R. (2016). Le champ des sustainability transitions : origines, analyses et pratiques de recherche. Cahiers de recherche sociologique, (58), p. 73-93. https://doi.org/10.7202/1036207ar
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De Muynck, S. (2011). Initiatives de Transition : Les limites du mouvement. http://www.barricade.be/publications/analyses-etudes/initiatives-transition-limites-mouvement.
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Émilie, E. (2014). L’Anthropocène et la destruction de l’image du Globe. In De l’univers clos au monde infini, éditions Dehors, Paris, p.27-54.
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Roorda, C., Wittmayer, J., Henneman, P., Steenbergen, F. van, Frantzeskaki, N., Loorbach, D. (2014). Gestion de transition dans un contexte urbain: un guide. DRIFT, Université Erasme de Rotterdam, Rotterdam
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Geels, F. W. (2005). Processes and patterns in transitions and system innovations: Refining the co-evolutionary multi-level perspective. Technological Forecasting and Social Change, 72(6), p.681-696. https://doi.org/10.1016/j.techfore.2004.08.014
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Duran-Folco J. (2015). Bâtir, habiter et penser la transition par le milieu. Milieu(x), numéro 2, Éditions Habiter, Québec, p. 51-57.
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Steffen, W., Broadgate, W., Deutsch, L., Gaffney, O., & Ludwig, C. (2015). The trajectory of the Anthropocene: The Great Acceleration. The Anthropocene Review, 2(1), p, 81‑98. https://doi.org/10.1177/2053019614564785
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